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Le loup et le renard

Fables de La Fontaine

Le loup et le renard

Le loup et le renard, fable de La Fontaine

Illustration de Grandville, 1840

Le loup et le renard par Les Audiolivres

En bref

Le Loup et le renard est la sixième fable du livre XI du second recueil des Fables de La Fontaine (1678).
Jean de La Fontaine s’est inspiré des fables d’Ésope et de Phèdre.C’est une de ses fables les plus connues.
La fable elle-même montre que chacun est insatisfait de son sort mais qu’on ne peut chasser le naturel.

Fables de La Fontaine

Le loup et le renard

Mais d’où vient qu’au Renard Ésope accorde un point ?
C’est d’exceller en tours pleins de matoiserie.
J’en cherche la raison, et ne la trouve point.
Quand le Loup a besoin de défendre sa vie,
Ou d’attaquer celle d’autrui,
N’en sait-il pas autant que lui ?
Je crois qu’il en sait plus, et j’oserais peut-être
Avec quelque raison contredire mon maître.
Voici pourtant un cas où tout l’honneur échut
À l’hôte des terriers. Un soir il aperçut
La Lune au fond d’un puits : l’orbiculaire image
Lui parut un ample fromage.
Deux seaux alternativement
Puisaient le liquide élément.
Notre Renard pressé par une faim canine,
S’accommode en celui qu’au haut de la machine
L’autre seau tenait suspendu.
Voilà l’animal descendu,
Tiré d’erreur ; mais fort en peine,
Et voyant sa perte prochaine.
Car comment remonter si quelque autre affamé
De la même image charmé,
Et succédant à sa misère
Par le même chemin ne le tirait d’affaire ?
Deux jours s’étaient passés sans qu’aucun vînt au puits ;
Le temps qui toujours marche avait pendant deux nuits
Echancré selon l’ordinaire
De l’astre au front d’argent la face circulaire.
Sire Renard était désespéré,
Compère Loup, le gosier altéré,
Passe par là : l’autre dit ; Camarade,
Je vous veux régaler ; voyez-vous cet objet ?
C’est un fromage exquis. Le Dieu Faune l’a fait,
La vache Io donna le lait.
Jupiter, s’il était malade,
Reprendrait l’appétit en tâtant d’un tel mets.
J’en ai mangé cette échancrure,
Le reste vous sera suffisante pâture.
Descendez dans un seau que j’ai là mis exprès.
Bien qu’au moins mal qu’il pût il ajustât l’histoire,
Le Loup fut un sot de le croire :
Il descend, et son poids emportant l’autre part,
Reguinde en haut maître Renard.
Ne nous en moquons point : nous nous laissons séduire
Sur aussi peu de fondement ;
Et chacun croit fort aisément
Ce qu’il craint, et ce qu’il désire.

Le loup et le renard, fable de La Fontaine Le loup et le renard, fable de La Fontaine

Illustration de Benjamin Rabier, 1906

Le loup et le renard

Le loup et le renard, fable de La Fontaine

Illustration de Pierre-François Tardieu d’après Jean-Baptiste Oudry, 1759

En bref

Le Loup et le renard est la neuvième fable du livre XII du troisième recueil des Fables de La Fontaine (1694).
Ici, c'est d’abord le renard « qui est tombé dans le panneau du reflet de lune pris pour un fromage, et qui découvre que ‘l’orbiculaire image’ peut être entamée par le temps qui passe, non par ses dents! S’il parvient à éviter le pire, et à faire tomber le loup dans le panneau, les deux fauves n’en sont pas moins, en quelque sorte, à égalité [...] même les fauves si rusés soient-ils au service de leurs passions voraces, peuvent aussi bien que leurs victimes être les dupes de la crainte et de l’espérance » (M. Fumaroli)

Le loup et le renard (bis)

D’où vient que personne en la vie
N’est satisfait de son état ?
Tel voudrait bien être Soldat
A qui le Soldat porte envie.

Certain Renard voulut, dit-on,
Se faire Loup. Hé ! qui peut dire
Que pour le métier de Mouton
Jamais aucun Loup ne soupire ?

Ce qui m’étonne est qu’à huit ans
Un Prince en Fable ait mis la chose,
Pendant que sous mes cheveux blancs
Je fabrique à force de temps
Des vers moins sensés que sa prose.

Les traits dans sa fable semés
Ne sont en l’ouvrage du poète
Ni tous, ni si bien exprimés.
Sa louange en est plus complète.

De la chanter sur la musette,
C’est mon talent ; mais je m’attends
Que mon Héros, dans peu de temps
Me fera prendre la trompette.

Je ne suis pas un grand prophète ;
Cependant je lis dans les cieux
Que bientôt ses faits glorieux
Demanderont plusieurs Homères ;
Et ce temps-ci n’en produit guères.
Laissant à part tous ces mystères,
Essayons de conter la fable avec succès.
Le Renard dit au Loup : Notre cher, pour tous mets
J’ai souvent un vieux Coq, ou de maigres Poulets ;
C’est une viande qui me lasse.
Tu fais meilleure chère avec moins de hasard.
J’approche des maisons, tu te tiens à l’écart.
Apprends-moi ton métier, Camarade, de grâce :
Rends-moi le premier de ma race
Qui fournisse son croc de quelque Mouton gras,
Tu ne me mettras point au nombre des ingrats.
Je le veux, dit le Loup ; il m’est mort un mien frère ;
Allons prendre sa peau, tu t’en revêtiras.
Il vint, et le Loup dit : Voici comme il faut faire
Si tu veux écarter les Mâtins du Troupeau.
Le Renard, ayant mis la peau,
Répétait les leçons que lui donnait son maître.
D’abord il s’y prit mal, puis un peu mieux, puis bien,
Puis enfin il n’y manqua rien.
A peine il fut instruit autant qu’il pouvait l’être,
Qu’un Troupeau s’approcha. Le nouveau Loup y court
Et répand la terreur dans les lieux d’alentour.
Tel vêtu des armes d’Achille,
Patrocle mit l’alarme au camp et dans la ville :
Mères, brus et vieillards au temple couraient tous.
L’ost au Peuple bêlant crut voir cinquante Loups.
Chien, Berger, et Troupeau, tout fuit vers le village,
Et laisse seulement une Brebis pour gage.
Le larron s’en saisit. A quelque pas de là
Il entendit chanter un Coq du voisinage.
Le Disciple aussitôt droit au Coq s’en alla,
Jetant bas sa robe de classe,
Oubliant les Brebis, les leçons, le Régent,
Et courant d’un pas diligent.
Que sert-il qu’on se contrefasse ?
Prétendre ainsi changer est une illusion :
L’on reprend sa première trace
A la première occasion.
De votre esprit, que nul autre n’égale,
Prince, ma Muse tient tout entier ce projet :
Vous m’avez donné le sujet,
Le dialogue, et la morale.

Le loup et le renard, fable de La Fontaine Le loup et le renard, fable de La Fontaine

Illustration de Benjamin Rabier, 1906

Le loup et le renard

Le loup et le renard, fable de La Fontaine

Gravure de Gustaf Floding d’après Jean-Baptiste Oudry

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