Une vie de loups
Les loups vivent en meutes organisées selon une hiérarchie stricte ; la compétition y est sévère : se battre pour gagner et conserver une place, se battre pour la nourriture, se battre pour les femelles. Le plus fort (le loup alpha) mange le premier, partage la vie d’une femelle (alpha également) et peut espérer une descendance. Autour de lui s’organise la meute dont il a soumis les mâles et ce jusqu’à ce que son leadership soit remis en cause par un jeune plus vigoureux.
La meute varie du simple couple à la douzaine d’individus. Elle varie également selon la période de l’année : les principaux facteurs en sont la mortalité et les dispersions. Elle ne compte qu’une portée, celle du couple alpha ; mais les autres membres de la meute se révèlent d’excellents parents de substitution. Ce qui pourra s’avérer bien utile, car pour les louveteaux, la vie est dure. Dès la sortie de la lovière, la tanière où la louve met bas, ils apprennent le difficile art de la survie grâce au jeu. Les bagarres annoncent les disputes plus violentes qui structureront la hiérarchie des louveteaux devenus adultes.
Pour communiquer entre eux que ce soit pour exprimer la peur, l’anxiété, la domination ou la soumission, la protestation ou encore pour jouer ou avertir la meute de la présence d’un intrus, les loups utilisent tout un éventail de grognements, gémissements et brefs aboiements. Les loups ajoutent à ces signaux sonores des signaux visuels, principalement par l’expression de leur visage, leur posture et les mouvements et la position de leur queue. Un loup dans un état agressif aura par exemple le regard fixe, les babines retroussés, les crocs apparents, se tiendra droit les poils du dos hérissés et la queue levée pour chercher à impressionner. Inversement, un loup en état de soumission se fera plus petit, le regard fuyant et les oreilles baissés, la queue entre les jambes.
Les plus indisciplinés vivront en marge de la meute attendant de pouvoir fonder la leur. Car le loup est un animal profondément social qui a besoin de la compagnie des siens : « Il a appris le sens de la famille dans la chaleur et la pénombre de la lovière. Jamais il ne l’oubliera. » (Geneviève Carbonne).
La vie en meute présente en plus d’autres avantages comme le fait de pouvoir attaquer des animaux plus grands qu’eux, de mieux gérer les réserves (pas de gaspillage chez les loups, on ne tue que le strict nécessaire) et… la gestion de la population de la meute afin de ne pas épuiser trop vite le territoire.
Cette vie, malgré sa dureté (Paul-Émile Victor parle de « démocratie musclée »), offre parfois des moments de répit. Le loup n’est en effet pas ce monstre fourbe et cruel que le XIXe siècle s’est plu à décrire. Les adultes en couple font ainsi preuve de tendresse l’un envers l’autre. La bise dans le cou du salut amical devient un véritable baiser quand c’est le couple qui l’échange. Mordillement des lèvres et petits coups de langue précipitées sur les joues font partie des câlins que partagent les loups. Les louveteaux bénéficient également de toutes les attentions. Il n’est pas rare de voir un vieux dominant subir avec patience l’assaut impitoyable de louveteaux turbulents et joueurs.